Publié le 16/04/2024

Le potager,
source indispensable de créativité

Autrefois purement ornementaux, certains jardins attenants aux maisons hôtelières se parent de nouveaux atours : fruits, légumes, herbes, fleurs et autres pousses de ces potagers nourriciers font le bonheur d’une nouvelle génération de chefs en quête de sens.

Le potager,|source indispensable de créativité

Tributary Hotel - © Modoc

Autrefois purement ornementaux, certains jardins attenants aux maisons hôtelières se parent de nouveaux atours : fruits, légumes, herbes, fleurs et autres pousses de ces potagers nourriciers font le bonheur d’une nouvelle génération de chefs en quête de sens.

Le jardin potager représente un trait d’union entre la terre et l’assiette, une respiration végétale dans un quotidien exigeant. De la Nouvelle-Zélande à la Suisse en passant par l’Afrique du Sud ou les États-Unis : les chefs des maisons Relais & Châteaux cueillent leur créativité, et surtout des légumes sains, locaux, et de saison dans leur jardin, répondant ainsi aux engagements de l’Association à rendre le monde meilleur par la table et l’hospitalité. 

 

La nature au cœur de la cuisine

Chef Ernesto Iaccarino, Don Alfonso 1890, S. Agata Sui Due Golfi, Italie

Grandir, avant internet, dans un village de quelques centaines d’habitants au sud de l’Italie, c’est prendre la nature comme terrain de jeu. “Enfants, on était toute la journée dehors, on cueillait les cerises sur les arbres, j’ai eu beaucoup de chance”, se souvient le chef Ernesto Iaccarino. Auréolé de deux étoiles au guide Michelin, son restaurant Don Alfonso 1890 est une ode à une tradition culinaire italienne nourrie par les produits de sa propre ferme. Face à Capri, les dix hectares fournissent le restaurant en une multitude de fruits, de légumes, de miel, d’huile d’olive et même de poulets. Pour le chef, “aujourd’hui plus qu’avant, nous devons réfléchir : nous sommes ce que nous mangeons. La terre et la mer doivent donc être au centre de nos pensées. La qualité des matières premières que nous utilisons est le point de départ."

© Mario Spada

 

Un voyage local

Chef Sébastien Bras, Le Suquet, Sébastien Bras, Laguiole, France 

Du vert à perte de vue, c’est l’horizon du chef Sébastien Bras et de son équipe officiant au Le Suquet, dans les collines aveyronnaises, en France. Riche de plus de 120 variétés de plantes, de légumes et de fruits, son jardin n’est autre que le prolongement de sa cuisine : “il y a 25 ans, on l’a notamment imaginé avec des végétaux rapportés de nos voyages aux quatre coins de la planète. Ils complètent la cueillette sauvage”. Rapporté d’un voyage au Japon, le sancho (l’autre nom du poivrier du Sichuan) a ainsi trouvé racine sur ce coin de l’Aubrac. “Je l’utilise pour ses tonalités rafraîchissantes d’agrumes” détaille le chef. Ancrée dans l’ADN de la maison, la cuisine végétale, herbacée et colorée, met la biodiversité au cœur de l’assiette. Plat signature de son père, Michel Bras, le “gargouillou de jeunes légumes” est un instantané de son environnement, un plat vivant par excellence. “On ne s’en lasse pas car il n’est jamais le même deux jours de suite.

© Félix Ledru

 

Le jardin, source de sérénité

Chef Damir Pejcinovic, Meneghetti Wine Hotel & Winery, Bale, Croatie 

Le jardin méditerranéen du chef Damir Pejcinovic est une définition de l’abondance : s’étalant sur plus de 9 000 m2 entre vignes et verger, il couvre plus que les besoins du restaurant. “Sans mon jardin, je perdrais un élément crucial de contrôle sur l’approvisionnement en ingrédients frais (...). Mais il ne s'agit pas seulement des ingrédients ; il s'agit du lien avec la terre et de la capacité d'apporter une touche unique et personnelle à chaque plat.” S’engager dans son jardin permet au chef d’observer, et de récolter, les fruits de ses efforts, sur le temps long ; une perspective qui le nourrit et lui apporte un équilibre au milieu d'un quotidien extrêmement prenant.

 

Une rareté précieuse

Cheffe Chane Devonport, Londolozi Game Reserve, Afrique du Sud

Cultiver des légumes et des produits frais dans le bush n’est pas chose facile. Les saisons sont très contrastées et presque rien ne pousse ici l'été. Pour autant, il est extrêmement important pour moi et pour mon équipe de rester aussi près que possible de notre source de nourriture. Cela lui donne un meilleur goût !” confie la cheffe Chane Devonport à propos du jardin du Londolozi Game Reserve. Nichée en plein cœur d’une réserve naturelle sud-africaine, cette propriété a la particularité de devoir s’adapter aux intrusions de babouins et d’autres animaux sauvages. “Ainsi, lorsque nous utilisons des produits frais de nos jardins, je sais à quel point ils sont précieux et combien d'efforts il a fallu pour les cultiver”. Face à ces contraintes, Chane Devonport adopte une cuisine humble et respectueuse, où la patte de la cuisinière vient sublimer les produits du jardin sans les dénaturer. 


 

Rester émerveillé

Chef Matthew Lightner, Tributary Hotel, McMinnville, Oregon, États-Unis

Le chef et associé Matthew Lightner n’a pas grandi les mains dans la terre. Ce sont les livres de cuisine et de jardinage qui ont nourri son intérêt pour le monde végétal. Aux manettes du restaurant ōkta, il fait le trait d’union entre son savoir-faire et le terroir de l’Oregon où il déploie sa créativité. S'inspirant de la richesse de la vallée de Willamette et de la cadence de ses micro-saisons, il élabore un menu de dégustation très progressif. “J’essaie de regarder la nature avec les mêmes yeux candides que mes enfants, quand ils avaient deux ans. Le jardin et la ferme nous aident à économiser beaucoup d'énergie et à réduire considérablement notre empreinte écologique. Cela nous permet d’être plus centrés et d’éliminer beaucoup de variables extérieures”. Si le jardin est une manière de garder le contrôle, c’est aussi et avant tout pour Matthew Lightner, une source de magie dans l’ordinaire. 

 

Un environnement familier à choyer

Chef Silio Del Fabro, Boutique Hotel Esplanade, Sarrebruck, Allemagne 

La nature m'apporte la force et la tranquillité dont j'ai besoin pour mon métier de chef”, raconte Silio Del Fabro, aux manettes du restaurant Boutique Hotel Esplanade, en Allemagne. Ayant grandi entouré de nature et de pots de confiture maison, le chef a été enthousiasmé à l’idée de cofonder la ferme collective de Saarbrücker Stadtbauernhof, tout près de la frontière française. “Sur cette ferme, j'ai la possibilité de cultiver des herbes et des légumes qui complètent parfaitement mes créations culinaires, en collaboration avec un agriculteur biologique expérimenté.” Passionné, Silio Del Fabro s’est donné pour mission de préserver un lien intime avec la terre et son terroir nourricier. 

© Oliver Raatz

 

Savoir conserver pour mieux cuisiner

Chef Jimmy McIntyre, Otahuna Lodge, Christchurch, Nouvelle-Zélande

Apprendre à cuisiner au fil des saisons, avec une matière brute à portée de cueillette, c’est ce qui a changé la vie et le rapport au travail de Jimmy McIntyre. Féru de nouveautés, le chef du néo-zélandais Otahuna Lodge a dû se familiariser avec les conserves, la fermentation et les techniques de valorisation des fruits et légumes du jardin. “Je ne serais pas heureux sans le jardin. J’en retire tellement de joie ! Chaque année, j'attends avec impatience les premières asperges, les fleurs de courgettes, les cèpes, les artichauts. L’un de mes plus grands bonheurs, c’est de détailler les ingrédients d’un plat aux invités et de voir que leurs yeux s'illuminent d'excitation.

 

 

Un engagement qui change tout

Chef Mattias Roock, Castello del Sole Beach Resort & Spa, Ascona, Suisse

J'aime l'odeur des fruits et légumes mûrs à point, qui me rappellent mon enfance à la ferme.” Amoureux de la nature, Mattias Roock a toujours eu un faible pour le Castello del Sole Beach Resort & Spa, surplombant le lac Majeur, en Suisse. “Lorsque j’ai postulé, je savais exactement ce que j’allais faire des produits du jardin. C'est ainsi qu'est né notre menu Signature « Sapori del nostro Orto ».” Les plats sont principalement composés d'herbes aromatiques, de fruits, de légumes et même de riz provenant de Terreni alla Maggia, la ferme de la propriété, et sont complétés par des poissons et des viandes d'origine locale. Parmi eux, le risotto à la lotte et aux cèpes est un plat locavore remarquable. Pour parfaire le tableau, chaque met est accompagné de vins provenant des vignobles de la propriété.

 

 

Une respiration

Chef Jauca Catalin, The Bath Priory, Bath, Royaume-Uni

Décor végétal enchanteur, Bath Priory offre un cadre de travail inspirant pour qui sait l’apprécier. C’est le cas du chef Jauca Catalin, qui pense ses menus en fonction du jardin, main dans la main avec Jane Moore, la jardinière en cheffe du domaine. “En plus d'être une merveilleuse source de produits que nous pouvons utiliser ici, le potager permet de s’extraire de nos vies trépidantes : pendant quelques minutes, il est agréable d'être entouré de plantes, de légumes et d'herbes, tout en travaillant à produire autant de plats délicieux que possible pour nos clients.” Parmi ces plats, un sorbet à la feuille de figuier, des coings et du chou noir accompagnant délicatement une longe de cerf des forêts voisines, ou du saumon du Loch Duart, associé au fenouil du jardin et à une vinaigrette safranée aux agrumes. 

 

 

En lien avec la terre et ceux qui la travaillent

Chef Masahiro Tanabe, Hikariya-Nishi, Matsumoto, Japon

À Nagano, au centre du Japon, un restaurant proposant une “cuisine naturelle” sort du lot. Cet établissement est celui du chef Masahiro Tanabe. “J'ai grandi à la campagne, entouré de montagnes et de champs, et j'ai souvent aidé mon grand-père pour les récoltes”, se souvient-il. Aujourd’hui, dans son travail chez Hikariya-Nishi, le lien avec le vivant occupe une place de choix . “Il m’est très important de connaître intimement qui a produit les légumes et avec quelles intentions. C'est pourquoi nous entretenons des relations fortes avec les personnes qui cultivent pour nous, dans notre jardin comme chez les producteurs voisins”. Peu à peu, les relations avec les agriculteurs locaux se sont renforcées et aujourd'hui, le chef Masahiro Tanabe tisse des liens étroits avec plus de 350 agriculteurs des environs. 

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