Publié le 12/04/2022

Afrique du Sud : l’art pour motif

Comprendre l’Afrique du Sud, son histoire et l’art qui en a accompagné les soubresauts jusqu’à nos jours nécessite un peu de temps mais surtout un point de départ. D'Ellerman House à Delaire Graff Estate en passant par AtholPlace, Mr. Tripper nous emmène en voyage avec l'art comme fil conducteur.

Afrique du Sud : l’art pour motif

Comprendre l’Afrique du Sud, son histoire et l’art qui en a accompagné les soubresauts jusqu’à nos jours nécessite un peu de temps mais surtout un point de départ. D'Ellerman House à Delaire Graff Estate en passant par AtholPlace, Mr. Tripper nous emmène en voyage avec l'art comme fil conducteur.

La lecture très personnelle mais néanmoins aboutie de Paul Harris au sein d’Ellerman House parait essentielle à cette compréhension. Que l’on ait fait le choix ou non de séjourner dans l’une des 11 chambres de ce Relais & Châteaux bercées par le ressac, l’on ne saurait néanmoins se dispenser d’une visite privée du millier d’œuvres qui y a été assemblé, sans parler d’un déjeuner en terrasse face à l’océan tenu ici en majesté. L’hôtellerie jusque-là habituée à accrocher l’art de manière décorative se dote désormais d’un certain didactisme, tendant, de plus en plus, à se substituer aux institutions muséales. La volonté de l’ex-trader diffère en cela de celle de Laurence Graff propriétaire du Delaire Graff Estate dans les environs de Stellenbosch ou plus encore de celles des créateurs d’AtholPlace à Johannesbourg.
 

 
 


Si tous ces établissements ont fait le choix de l’art comme fil conducteur, de la maison au jardin, faisant travailler au passage les plus grands galeristes du pays de Goodman à Stevenson en passant par Everard Read, Ellerman House a poussé la démarche encore plus loin, allant jusqu’à reprendre les codes muséaux, réservant à sa bâtisse principale la partie classique et moderne de sa collection et à une galerie posée comme un balcon sur la mer, la partie contemporaine. À travers ce cheminement, l’on comprend comment et à quel point l’art sud-africain est allé au-delà de sa géographie. Si le paysage a fasciné en son temps les peintres sur motif exilés ici au XIXème siècle, il n’est plus maintenant question d’un art blanc ou noir mais d’un art sud-africain unifié.
 

 


Pour autant, il ne faut voir dans ce constat ni facilité ni lénification. L’histoire et la politique ont forgé durablement la condition humaine de ce pays léguant à son art une charge émotionnelle sans doute plus forte qu’ailleurs. Partagé entre ombre et lumière, humour et provocation, l’art sud-africain n’a pas oublié les temps de l’apartheid, du colonialisme ou de l’esclavagisme qui en ont fait le terreau fertile. Le culturel et l’histoire sont indéniablement supérieurs à l’expérience personnelle de tous ces artistes. Parfois utopique ou poétique, leur art n’en est pas moins subversif et brutal, à la recherche d’inventivité et pourquoi pas de recyclage comme chez El Anatsui récemment à l’honneur de la South African National Gallery, autre bastion de l’art au Cap, certes moins spectaculaire que le Zeitz Mocaa  de Thomas Heatherwick, mais tout aussi incontournable.
 

 
 


Après le projet un peu fou de réhabiliter les anciens entrepôts de Woodstock en hub créatif initié par les galeries les plus influentes du pays que sont Goodman et Stevenson, il manquait au Cap un lieu capable d’imposer définitivement la ville comme le pays tout entier sur la scène artistique mondiale. En s’emparant l’année passée des anciens silos à grains du V&A Waterfront, Jochen Zeitz a incontestablement réussi son pari réservant à ses cimaises, véritable modèle du genre d’un point de vue muséographique, le meilleur de la création sud-africaine et de sa diaspora, d’Athi-Patra-Ruga à Banele Khoza en passant par William Kentridge, Cyrus Kabiru, Kendell Geers ou Zaniele Muholi pour n’en citer que quelques-uns.
 

 


Les autres villes du pays ne sont pas en reste. De même que les couleurs toniques du 70 Juta à Joburg se sont trouvées un lien de parenté avec celles toutes aussi acidulées du légendaire Bo-Kaap, les fameux First Thursdays invitant à la découverte des galeries en nocturne ont trouvé un écho dans la capitale administrative du pays, tout comme le Old Biscuit Mill du Woodstock a trouvé son alter ego avec le Arts on Main dans le Madobeng de Johannesbourg. Tous deux sont devenus l’épicentre de ces quartiers livrés aux peintures murales et sculptures de plein air où les grandes galeries ont néanmoins pignon sur rue.
 

 
 


Même si à Franschhoek, délicat village perdu au milieu des vignes, l’ambiance se veut résolument différente, on retrouve les mêmes grands noms de l’art alignés les uns à côté des autres. Stevenson y ouvre grand ses portes sur un jardin de curé où les sculptures de stars comme Lionel Smit ou Dylan Lewis attendent patiemment leurs heureux propriétaires à l’image de Laurence Graf en ayant colonisé chaque pied carré de son spectaculaire Domaine voisin. Là-bas, acquérir de l’art paraît aussi simple que d’acheter une bouteille de vin à la supérette voisine. Si le paysage était autrefois à la source de l’Art, ce dernier est aujourd’hui partie prenante et irrévocable dudit paysage.
 

 

 

 

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