Les stocks européens de bars subissent une pression de la pêche au-delà des limites de durabilité. Si l’on veut continuer à manger ce poisson, il ne faut plus en acheter pendant sa période de reproduction. Les chefs Relais & Châteaux montrent la voie en l'évitant dans leurs menus en février et mars.
Comme de nombreuses autres espèces marines, les bars se regroupent à certaines périodes de l’année pour se reproduire sur des zones appelées « frayères ». Un constat que les pêcheurs n’ont pas manqué de faire au fil des siècles. Ainsi, février et mars sont des périodes propices à des pêches miraculeuses de bars. Dans un fâcheux parallèle avec la production agricole, on en est même venus, bien que plus tardivement, à parler de « saison » pour le poisson.
Au cours du XXe siècle, l’engouement pour le poisson et les équipements toujours plus pointus des navires ont peu à peu accentué la pression exercée sur ce poisson à la chair ferme et dense, et au goût délicat. De 1 000 tonnes par an à la fin des années 1950, le niveau des captures européennes de bars est passé à plus de 10 000 tonnes en 2004 – une progression très largement due à l’intensification de la pêche au chalut sur frayères. En 2014, les scientifiques du Conseil international pour l’exploration de la mer (Ciem) tirent la sonnette d’alarme. Les stocks européens de bar sont dans un état critique. Particulièrement, précisent-ils, dans la zone de l’Atlantique au-delà du 48e parallèle. Appelée « zone nord », elle est composée de la mer Celtique, de la Manche, de la mer d’Irlande et de la mer du Nord.
Des mesures d’urgence pour cette zone sont prises dès janvier 2015. Les chalutiers se voient interdire d’y cibler cette espèce, et leurs prises accessoires en bar tolérées jusqu’à un certain niveau. Toute pêche au bar y est interdite en février et mars, y compris pour les ligneurs, des bateaux équipés d’engins de ligne, pratiquant une pêche sélective plus respectueuse de la ressource et des écosystèmes. Dans le golfe de Gascogne, en revanche, seul un système de plafond annuel de captures est mis en place. La pêche au bar y est autorisée durant la période de reproduction. Les chalutiers y pêchent allègrement sur frayères en février et mars, inondant les étals de bars de piètre qualité vendus à bas prix.
Ce système de gestion repose sur l’hypothèse que zone nord et golfe de Gascogne disposent de stocks différents. Autrement dit, que les poissons ne franchissent pas ce fameux 48e parallèle. Or, le programme de recherche lancé en 2014 afin de mieux comprendre la situation et notamment l’existence d’un seul banc de l’Irlande à l’Espagne, ou de plusieurs, est toujours en cours. À ce stade, le principe de précaution voudrait que le moratoire intégral imposé à la zone nord en février et mars soit étendu au golfe de Gascogne. Ce à quoi s’astreignent d’ailleurs en partie certains ligneurs de la zone, qui ne pêchent pas le bar du 15 février au 15 mars.
Si nous voulons continuer à manger du bar dans le futur, il ne faut plus en acheter en février et mars. Beaucoup de chefs Relais & Châteaux montrent l’exemple en le retirant de leur carte durant cette période. Le reste de l’année, ce poisson est à consommer avec modération, et les envies occasionnelles à assouvir avec du bar de ligne. Difficile, on le voit, de conseiller une espèce de substitution au risque de reporter la pression de pêche du bar vers celle-ci. Le mot d’ordre quand il s’agit des poissons est la diversification, comme en témoignent les chefs Relais & Châteaux, qui mettent à la carte maigre, lieu jaune, mulet, tacaud, chinchard, sardine et maquereau.