Publié le 04/04/2023

Une histoire de famille(s)

Cinq établissements, cinq destins familiaux à travers lesquels fidélité à la tradition et visions contemporaines s’équilibrent. Rencontres, aux quatre coins de la planète, avec des hôteliers et des restaurateurs désireux de transmettre leurs passions à la prochaine génération.

Une histoire de famille(s)

© Beniya Mukayu

Cinq établissements, cinq destins familiaux à travers lesquels fidélité à la tradition et visions contemporaines s’équilibrent. Rencontres, aux quatre coins de la planète, avec des hôteliers et des restaurateurs désireux de transmettre leurs passions à la prochaine génération.

FLORIAN MOOSBRUGGER — Directeur du Post Lech Arlberg en Autriche. L'hôtel appartient à la famille depuis 1937.
 

 


Si vous étiez une partie de l’hôtel…
Jägerstube (la taverne du chasseur), notre restaurant le plus ancien où l’on sert des plats traditionnels.
Quand avez-vous décidé de prendre les commandes ?
J’ai un frère et une sœur, je suis le plus jeune. Au départ, mon frère avait décidé de reprendre l’affaire et il s’y préparait, mais il a changé de voie pour devenir viticulteur. J’ai été surpris mais content. Je voulais déjà travailler dans le tourisme. Ça m’a pris 10 ans pour développer Post Lech et qu’il devienne mon hôtel, celui qui correspond à mes aspirations.
Quelles valeurs vous a-t-on transmises ?
Mes grands-parents m’ont enseigné qu’il n’y a pas de situation parfaite et que l’on doit faire face à ce qui se présente. N’enviez jamais les autres. Pour mes parents, si on veut avoir du succès dans un projet, il faut y mettre tout son cœur et toute son âme. 
Quel objet vous rappelle vos aïeux ?
Le trophée de bouquetin dans l’entrée. Mon grand-père dans les années 1960 a réintroduit cette espèce qui avait disparu de nos montagnes. Sa population ayant prospéré, il a été le premier autorisé à le chasser à nouveau dans les années 1980. Il s’est toujours efforcé de protéger la faune et la flore de la vallée.
Les enjeux d’aujourd’hui…
L’internationalisation est le plus grand défi. On accueille ici des gens de tous les pays, toutes les cultures, souvent ignorants de la montagne. On doit leur offrir une vraie expérience.
Laquelle de vos deux filles prendra la relève ?
La cadette Violeta qui, comme moi, fera l’école hôtelière de Lausanne.

 

PAULINE DAUBÉ — Directrice du Manoir de Lan-Kerellec en France. L'hôtel appartient à sa famille depuis 1925.
 

 


Si vous étiez une partie de l’hôtel…
La charpente qui a une forme de carène de bateau retournée, au-dessus de la salle à manger. Elle est baignée de lumière. C’est le cœur de la maison. 
Si le manoir était une personne…
Ce serait Mamina, ma grand-mère ! Elle a transformé sa maison privée en hôtel. Elle doit être fière que son fils l’ait reprise, et que la tradition perdure. 
Quand avez-vous pris vos fonctions à temps plein ?
C’était une transition en douceur. Je ne me destinais pas à reprendre l’hôtel. Ma sœur a choisi une carrière de photographe à New York. J’ai travaillé à Paris dans l’industrie cosmétique pendant 8 ans. Mes parents levaient le pied et j’ai voulu faire un essai. J’ai fait une saison, soit 8 mois. Mais ça ne suffisait pas pour mesurer l’ampleur de la mission. J’ai enchaîné avec une deuxième saison et finalement, j’ai démissionné en mai 2014.
Quelles valeurs vous a-t-on transmises ?
Mes grands-parents m’ont inculqué un savoir-vivre épicurien et les bonnes manières. Mes parents, l’amour de la famille et du travail : aimer ce qu’on fait pour être épanouie. On ne nous a jamais forcées à reprendre l’affaire.
Vos valeurs… 
Les valeurs humaines : la bienveillance, l’humilité, la tolérance. Dans une petite structure, chacun apporte sa pierre à l’édifice. Le maître d’hôtel est là depuis 20 ans. Nous sommes une grande famille.

 

KAZUNARI NAKAMICHI — Propriétaire de Beniya Mukayu au Japon, dans sa famille depuis 1928. Il le dirige avec sa femme Sachiko Nakamichi, secondés par leurs fils Daisuke et Kosuke.
 

 


Si vous étiez une saison…
Sachiko : Le printemps. Quand les bourgeons et jeunes pousses apparaissent après avoir patiemment attendu sous la neige. Tous les ans, je suis fascinée par cette magie.
Un endroit dans l’hôtel qui vous rappelle vos ancêtres ?
Kazunari : Le pin rouge sacré dans notre jardin depuis plus de 300 ans : il fait partie de notre famille.
Quand avez-vous décidé de reprendre le ryokan ?
Kazunari : Mes grands-parents rêvaient d’ouvrir leur propre ryokan, et ils ont commencé l’aventure en 1928. Ma grand-mère me disait souvent que je serai la troisième génération à travailler ici. Au Japon, beaucoup d’entreprises familiales se transmettent de génération en génération.
Quelles valeurs voulez-vous transmettre ?
Kazunari et Sachiko : Notre nom Mukayu signifie "richesse dans le vide", un concept enraciné dans le bouddhisme zen que nous voulons transmettre : ici, les hôtes peuvent échapper à la routine de leur vie quotidienne, se détendre, nettoyer et rajeunir leur corps et leur esprit. Un séjour à Beniya Mukayu est un espace vide dans un agenda chargé, c'est un moment rempli de liberté précisément parce qu'il est vide...
Parlez-nous de votre engagement pour l’environnement
Sachiko : Protéger la biodiversité est fondamental. Depuis de nombreuses années, nous répertorions la flore autour de la propriété. Nous avons dessiné aussi une carte des mousses. Plus de trente variétés poussent ici. Nous mettons ces catalogues à disposition pour que nos hôtes identifient les plantes qu’ils voient. En connaissant mieux la nature, ils seront plus enclins à la respecter et la protéger. 
Donnez-nous une description de l’hôtellerie de demain…
Sachiko : L’esthétique japonaise est profondément enracinée dans la nature. En observant le shintoïsme et le bouddhisme zen, on constate que, traditionnellement, les Japonais pensent que l’Homme doit vivre en harmonie avec elle et non la dominer. Soucieux de préserver cet héritage, nous voulons qu’il soit accessible à tout le monde, de manière moderne et internationale, notamment en enrichissant la vie de tous nos hôtes.

 

ADELE GARBUTT — Directrice du Calabash Luxury Boutique Hotel sur l'île de Grenade dans les Caraïbes. L'établissement appartient à la famille depuis 1987.
 

 


En quoi représentez-vous les Caraïbes ?
Par notre côté très authentique, naturellement amical et décontracté. C’est ce que les gens viennent chercher aux Caraïbes.
Un souvenir…
C’est tellement amusant de grandir dans un hôtel. Quand on était petites avec mes sœurs, on invitait tous nos amis pour des afternoon teas. Et maintenant, mes filles font pareil. 
Quelles valeurs vous a-t-on transmises ?
Travailler dur. Et le faire avec joie. Pour rien au monde, je ne ferais autre chose.
Parlez-nous de votre engagement pour une agriculture durable.
Nous avons un récupérateur d’eau de pluie et notre énergie est solaire. Ma sœur Bobbie gère la ferme biologique (100 acres/40 hectares) dans la famille maternelle depuis les années 1940. Travailler cette terre volcanique si fertile de façon respectueuse (agroforesterie) est un des piliers de notre vision de l’hospitalité. Nous produisons des noix de coco et nous sommes le second exportateur de noix de muscade de l’île. Les fruits et légumes servis à l’hôtel viennent de notre ferme ou de producteurs locaux certifiés biologiques. 
Vos souhaits… 
J’aimerais voir tout le secteur hôtelier devenir plus responsable de son impact sur l’environnement. Nous respectons la saisonnalité. Nous expliquons à nos hôtes contrariés que s’ils n’ont pas d’avocat dans leur assiette alors qu’ils en trouvent à New York ou à Londres, c’est parce que ce n’est pas la saison sur l’île. On ne sert pas ce qui n’est pas produit ici. Un tiers des émissions de carbone vient de l’agriculture globale. Si on pouvait réduire cet impact de moitié, ce serait un pas. 

 

MARIO SANDOVAL — Chef du Restaurant Coque, en Espagne, que son grand-père a fondé en 1955. L'établissement est en copropriété avec ses frères Rafael, sommelier, et Juan Diego, maître d'hôtel.
 

 


Si vous étiez un plat ou un ingrédient…
La pepitoria (ragoût) de mon enfance qui me ramène aux souvenirs de ma mère en cuisine. J’ai grandi dans la cuisine.
Un souvenir…
La cuisine pour moi est une expression de la vie. Ça a commencé tout petit dans la cuisine avec mes parents. Je me rappelle le son du mortier, le parfum du safran et du laurier, l’odeur du four à bois. Tout cela a contribué à faire de la cuisine ma passion.
Quel est le secret pour travailler avec succès en famille ?
Le respect mutuel et l’affection. Ensemble, avec mes frères, nous sommes complémentaires.
Quelles qualités vous a-t-on transmises ?
L’importance du sacrifice et la reconnaissance de la valeur des traditions sans craindre la nouveauté. Le respect et le goût du travail bien fait.
Que cuisinez-vous pour vos enfants ?
J’aime prendre le petit déjeuner avec eux et superviser l’un des repas les plus importants de leur journée. Dès qu’on peut s’échapper, on va à la Finca de El Jaral (la ferme familiale) et je cuisine un riz en plein air pour ma famille avec les légumes du jardin.
Des défis pour aujourd’hui et l’avenir…
L’innovation gastronomique. Prendre soin de mes employés et de mes fournisseurs. Aider la société à manger sainement.
 

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