Publié le 14/06/2023

L'hospitalité vue par les designers

Certains établissements poussent les architectes d’intérieur à aller toujours plus loin. L’histoire, l’héritage architectural ou culturel des lieux peuvent exiger un soin tout particulier pour que leur réinterprétation contemporaine reflète à la fois la richesse de leur passé et leur gloire à venir.

L'hospitalité vue par les designers

Suite - Saint James Paris, Paris, France

Certains établissements poussent les architectes d’intérieur à aller toujours plus loin. L’histoire, l’héritage architectural ou culturel des lieux peuvent exiger un soin tout particulier pour que leur réinterprétation contemporaine reflète à la fois la richesse de leur passé et leur gloire à venir.

Saint James Paris et Relais Christine, Paris, France

 

Figure incontournable de l’univers du design hôtelier à Paris, l’architecte d’intérieur Laura Gonzalez préfère s’écarter des conventions. Elle s’est fait connaître par sa vision stylistique métissée, créant des identités fortes, uniques, pour ses projets. Pourtant, lorsqu’elle est sollicitée pour repenser les aménagements du Relais Christine, elle se découvre une passion pour un style plus classique, car selon elle, « le classique est intemporel ». Immédiatement, elle est fascinée par l’immense potentiel du lieu, avec sa multitude de recoins et ses volumes généreux « J’ai pris un plaisir énorme à redonner au bâtiment son cachet d’origine en chinant, non seulement le mobilier, mais aussi les boiseries, dorures, moulures, passementeries et autres teintes bleu roi et bordeaux, de rigueur pour un tel cadre ». Au Saint James Paris, le challenge est un peu différent, car l’adresse possède déjà une personnalité forte, appréciée de ses habitués. « Il s’agissait de préserver l’esprit de ce lieu un peu caché, son architecture néoclassique parisienne, tout en le modernisant. Je l’ai repensé comme une demeure de collectionneur : chacune des pièces porte en elle de nombreuses références artistiques et architecturales, allant de la Grèce antique à l’Art déco ». Elle en a fait une vitrine de l’art de vivre à la française, travaillant les matières, les tissus et les tons pour créer un lieu coloré et chic, ouvert, mais d’une splendide discrétion.



 


Grand Hotel Duchi d'Aosta, Trieste, Italie
 

Nouvelle adresse Relais & Châteaux, Le Grand Hôtel Duchi d’Aosta voit le jour au XIXe siècle. Trieste se trouve au cœur de la Mitteleuropa, passage obligé des Grands du monde d’alors. Lorsqu’il est sollicité par le nouveau propriétaire – auparavant entrepreneur dans le design –, l’architecte Egidio Panzera voit immédiatement l’immense potentiel de cette belle endormie. « J’avais à l’esprit les poèmes d’Umberto Saba évoquant la complexité de Trieste, ou encore les reflets sur l’eau peints par Egon Schiele », explique-t-il. « Je m’en suis notamment servi comme fil conducteur pour le choix des textures et matières – tissus Rubinelli et Bevilacqua, verres cuits à l’ancienne, marbres veinés… – et la refonte complète des espaces ». Il réaménage les chambres, renforce l’identité du restaurant deux étoiles Harry’s Piccolo et du Harry’s Bar historique, et ouvre l’ancien palace aux Triestins en créant une galerie d’art verticale dans l’escalier du bâtiment principal. Il travaille désormais sur un nouveau projet autour de la piscine et du spa.


 

PURS Luxury Hotel et Restaurant, Andernach, Allemagne
 

Le long du Rhin romantique, entre Bonn et Francfort, dans l’ouest de l’Allemagne, le PURS Luxury Boutique Hotel & Restaurant semble défier les aléas du temps. Chantre d’une certaine pureté minimale, l’architecte d’intérieur belge Axel Vervoordt, mondialement célèbre, a transformé cette ancienne résidence de l’archevêché de Cologne en établissement unique, hors des normes hôtelières. Huit ans de travaux ont permis d’aboutir à cette destination intimiste abritant seulement onze chambres, dont aucune n’est identique, ainsi qu’une table gastronomique. « Axel Vervoordt n’a pas tout de suite dit "oui", car d’ordinaire, il ne souhaite pas réaliser d’espaces retail », précise Eric Van der Pas, l’architecte qui a dirigé le projet. « Mais face à la magie du lieu et à l’engagement du propriétaire Rolf Doetsch d’en faire plus qu’un projet hôtelier, il a accepté le challenge ». L’endroit est pour ainsi dire une Gesamtkunstwerk – une œuvre d’art totale : chaque espace distille une atmosphère très incarnée, grâce à un choix de matière des plus précis (enduit naturel, coton gratté, bois patiné par le temps, dallage en pierre massive…), un mobilier artisanal aux formes atemporelles, ainsi que des œuvres tirées de la collection personnelle du propriétaire.



 

Atrio Restaurant Hotel, Cáceres, Espagne
 

Au cœur de la région d'Estrémadure, dans l’ouest de l’Espagne,  la ville de Cáceres est un véritable berceau d’histoire. En y installant Atrio, établissement regroupant à la fois un hôtel et un restaurant parmi les meilleurs d’Espagne, le chef Toño Pérez et le sommelier José Polo souhaitaient signifier à leurs hôtes ce passé flamboyant, sans toutefois tomber dans la démonstration. Le duo fait la rencontre des architectes de l’agence Mansilla + Tuñón Arquitectos, dont l’approche vise à la préservation du patrimoine, sans pour autant rompre avec l’esprit d’innovation. « L’objectif était de préserver l’atmosphère du bâtiment historique tout en créant un dispositif très contemporain », souligne Emilio Tuñón Álvarez. « Nous y avons glissé une série de structures au dessin minimal, faite de piliers en béton blanc ou en bois, qui jouent avec la lumière ». À l’extérieur comme à l’intérieur, l’ardoise, le granit de Cáceres et le bois de chêne, parfois teinté, génèrent une atmosphère chaleureuse que vient renforcer un élégant agencement de mobilier, associant classiques nordiques et pièces dessinées par les architectes.


 

Huniik, Mérida, Mexico
 

Il y a quelques années, lorsque l’artiste cubain Jorge Parado se rend à Merida, au Mexique, pour mener un vaste projet de rénovations d’haciendas à l’abandon, il est tellement séduit par la ville qu’il décide de s’y installer. Il trouve là l’écrin idéal pour son approche singulière, qui allie art, design et architecture, au service d’installations globales et immersives. « J’ai rencontré le chef Roberto Solis alors qu’il était en pleine réflexion sur son prochain restaurant. Il se demandait comment investir un bâtiment ancien où une précédente intervention n’avait jamais été finie », explique l’artiste, qui décide alors de s’associer au projet. Pour aider le cuisinier à faire voyager la quinzaine de convives vers les origines yucathèques, Pardo choisit de mettre les murs totalement à nu, faisant rejaillir les pierres d’origine. Cet écrin organique n’est alors pas sans évoquer les cénotes du Yucatan, cavernes abritant des piscines naturelles. Pour « habiller » l’espace de cette table nouvellement labellisée Relais & Châteaux, l’artiste dessine l’ensemble du mobilier et des luminaires qu’il va faire fabriquer par des artisans selon des techniques locales.

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