- Cuisine
- A table avec
- Sophie Cornibert
- L'envol de Serge Vieira
L'envol de Serge Vieira
Le restaurant de Serge et Marie-Aude Vieira est situé au pied des volcans d’Auvergne, au sein d’une nature paisible et verdoyante. Depuis dix ans, le couple crée l’œuvre d’une vie, aussi humaine que palpitante.
Le restaurant de Serge et Marie-Aude Vieira est situé au pied des volcans d’Auvergne, au sein d’une nature paisible et verdoyante. Depuis dix ans, le couple crée l’œuvre d’une vie, aussi humaine que palpitante.
Tout a débuté par des allers-retours en mobylette entre le domicile familial et la ville de Chamalières, à La Gravière, plus exactement, où Serge Vieira a fait son apprentissage. Il a 16 ans, il s’accroche, à cette époque où « ça commence tôt et ça finit tard », sourit-il. Très vite, le métier lui plait. À 19 ans, il s’échappe vers le Canada, après avoir gagné un concours. C’est à ce moment-là qu’il comprend que la cuisine va l’amener à retrouver le dessin, qu’il affectionne : trouver des liens avec l’architecture, la création. Et puis, à voyager, surtout.
Premiers pas
À à peine 20 ans, il se fait repérer par le chef Bernard Andrieux, qui lui propose un poste de chef de partie. Puis il débarque en Touraine où il rencontre Marie-Aude. Ils tombent amoureux et vont travailler ensemble chez Marc Meneau à l’Espérance. « Marie-Aude est brillante et curieuse, on ne parle que de cuisine, je lui raconte les plats, elle les connait avant les autres, les mémorise. »
L’expérience chez Meneau est fondatrice. Le chef lui permet de prendre part à la création des plats, sans retenue. Là-bas, il évolue dans une brigade à taille humaine, mais il décide tout de même de partir chez Régis Marcon.
L’expérience Marcon
Nous sommes en 2003. L’activité y est intense : 500 couverts par semaine, 45 salariés en cuisine. Régis Marcon est le premier arrivé. « Il était sur tous les fronts. Quand j’ai vu qu’il était là bien avant ses équipes, je me suis dit qu’on n’allait pas chômer. » Et de fait, Serge Vieira se voit proposer le poste de second de cuisine. Il relève le défi avec brio, toujours avec Marie-Aude à ses côtés. C’est à ce moment-là que Régis Marcon lui parle du Bocuse d’or. « Je n’avais aucune idée de l’ampleur de ce concours. J’ai bossé comme un fou, j’ai été coaché par Marcon, qui avait lui-même gagné ce prix, mais aussi par tout le village de Saint-Bonnet-le-Froid. C’était dingue, cet élan de solidarité. » Il remporte le trophée avec des assiettes imaginées sur le thème du chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle. Marcon lui confirme alors qu’il est temps pour lui de prendre son envol.
Le Couffour : la consécration d’un chef intrépide
Après des heures et des heures de moto avec Marie-Aude à sillonner le Cantal, et malgré un brouillard plombant, ils tombent en amour pour une colline. C’est ici qu’ils construiront leur restaurant spectaculaire, en partenariat avec la mairie et le département. Le restaurant Serge Vieira voit le jour en 2009. Entre matériaux bruts, métal et vue à 360 degrés sur les volcans, l’œuvre est magistrale. Depuis dix ans, dit-il, rien n’a changé : « Je ne quitte pas la cuisine, je fais le marché à l’aube, je tiens à être là pour ma brigade. » Dès le début, Serge Vieira a aussi décidé de proposer deux menus dégustation, à mixer selon les affinités. « Je ne comprends pas ce principe de non-choix. C’est très important pour moi que les clients se sentent libres. » Et pour ne rien céder à la facilité, les menus changent toutes les trois semaines. En ce jour de mai, il y avait des asperges vertes et du curcuma, un turbot nacré à l’ail des ours, des morilles, une pièce de bœuf de Salers, des légumes, beaucoup de légumes et encore des herbes fraîches cueillies le matin même. Il y avait aussi des dressages au cordeau, des amuse-bouche d’une minutie incroyable, des goûts francs et préservés. Il faudrait également parler du service d’une rare bienveillance, de la carte des vins superbe et des accords mets-vins, si justes. Évidemment, le plateau de fromages d’Auvergne admirablement mis en scène sur un billot à roulettes ne laisse pas indifférent et rappelle ce terroir, rude, mais si tendre. De ses origines portugaises, Serge Vieira a gardé les couverts, fabriqués tout près de la maison familiale : « mes parents ne sont jamais venus manger chez moi, ils préfèrent prendre le repas en cuisine », dit-il, ému. Une confidence qui en dit long sur l’homme modeste au grand cœur qu’il est resté.
De gauche à droite: Pain soufflé aux flocons d’avoine, crème de Cantal et pâte d’olive noire
Bourriol croquant au chou fleur
Tartare de boeuf Salers, navet aigre-doux
Croquette d’escargot de Massiac, citron confit et cerfeuil